16. août, 2022

L'évaluation inversée ou comment évaluer les compétences et les connaissances

Vous connaissez certainement la pédagogie inversée - ou la classe inversée - qui consiste en une inversion des séquences d'enseignement (acquisition des savoirs à la maison et mobilisation, intégration de ces derniers en salle de cours) ou, selon quelques auteurs, inversion des rôles (c'est l'étudiant qui donne cours). Lectures at home and homework in class, selon Lebrun (in Dumont & Berthiaume, 2016, p.15). Que diriez-vous si l'on inversait également les choses en matière d'évaluation ?

En matière d'évaluation dans une approche par compétences, il est coutume de distinguer :

  • L'évaluation des résultats (indicateurs de performances)
  • L'évaluation des pratiques (critères de réalisation)
  • L'évaluation des ressources (internes et externes), en particulier, évaluation des connaissances.

Lorsque je parle d'une évaluation inversée, je considère ces trois approches évaluatives en en distinguant les séquences de la manière suivante :

  • L'évaluation des ressources comme prérequis à...
  • L'évaluation des compétences (résultats et/ou pratiques)

Par exemple, l'évaluation des connaissances peut se réaliser, en cours de module, à travers des tests de connaissances informatisés dont la réussite (taux suffisant de réponses justes) est un pré-requis à l'épreuve de validation de fin de module, celle-ci étant centrée sur l'évaluation des compétences.

En se référant à la pédagogie de la réussite - dans laquelle on vise le plus haut niveau de compétences pour le plus grand nombre d'étudiants (voir billet concernant la pédagogie de la réussite) - on peut proposer à l'étudiant de réaliser autant de tests de connaissances que nécessaire, jusqu'à ce qu'il atteigne le niveau requis pour l'évaluation des compétences. Les outils digitaux à notre disposition permettent de créer des tests, exercices, quizz... avec correction automatique et suivi des résultats de chaque étudiant, ce qui favorise la faisabilité, même pour des grands groupes d'étudiants.

L'un des reproches souvent fait à l'approche par compétences, c'est l'absence de contrôle des connaissances avec le risque de mettre sur le marché du travail, des personnes qui n'ont pas suffisamment de connaissances. Comme si l'on pouvait être compétent sans être connaissant! Permettez-moi d'en douter. Dès lors, comme il n'est pas possible de multiplier sans fin les évaluations, on préfère s'assurer que les étudiants ont un degré de connaissances suffisant (à travers les mêmes examens depuis la nuit des temps) et ne pas vérifier si ces derniers savent utiliser, mobiliser ces connaissances en situation professionnelle, autrement dit s'ils sont compétents. L'on part du principe que cela va de soi.

Dans l'évaluation inversée telle que je la propose, les deux types d'évaluation sont présents, l'un (évaluation des connaissances) étant pré-requis pour l'autre (évaluation des compétences), mais c'est sur l'évaluation des compétences que le corps enseignant met son énergie en termes d'élaboration d'épreuve et d'évaluation. La création des tests de connaissances prend du temps, il est vrai, mais surtout la première fois qu'ils sont mis en place; ensuite, ils n'exigent pas de temps de correction, sauf à vouloir en faire une évaluation formative et à proposer des activités de remédiations aux étudiants en difficultés. Dans ce cas, l'analyse des résultats et la création de consignes de remédiations pertinentes sont consommatrices de temps enseignant, mais pour un petit groupe d'étudiants, puisque seuls les étudiants en difficultés bénéficieront de ces activités; les étudiants qui réussissent n'ont pas besoin de soutien de la part du corps enseignant sur ce point.

Vous pourriez objecter que, si les étudiants peuvent répéter à l'envi les tests et exercices jusqu'à ce qu'ils réussissent, ils peuvent bachoter et ne intégrer à long terme les connaissances. Mais n'est-ce pas le cas lorsqu'un examen de connaissances vient clôturer un module ? quelle assurance avez-vous que les connaissances mesurées par votre examen seront durablement mémorisées par les étudiants ? Aucune.

En revanche, les neurosciences tendent à démontrer que la répétition fractionnée dans le temps est plus efficace, en termes de mémorisation à long terme, que la répétition en bloc.

Si l'objectif est de retenir l'apprentissage sur le long terme, la répétition fractionnée dans le temps est bien plus efficace que la répétition en bloc. Si l'objectif est de retenir l'apprentissage uniquement sur le court terme, par exemple pour un examen ou un concours, c'est la répétition en bloc qui est la plus efficace. Dans ce cas, le contenu insuffisamment consolidé sera ensuite rapidement oublié. (Medjad, Gil & Lacroix, 2017, p. 113)

Si bachotage il y a, mieux vaut alors qu'il soit fractionné dans le temps - donc que l'étudiant puisse se représenter plusieurs fois aux tests - qu'en bloc pour un seul examen.

D'autres objections ?

Et si vous essayiez ?

Références

Allin, A.C. (2022). Bien maîtriser ses gammes pour improviser, fondements et innovations pédagogiques en formation infirmière. Lausanne : La Source.

Dumont, A. & Berthiaume, D. (DIR). (2016). La pédagogie inversée, enseigner autrement dans le supérieur avec la classe inversée. Bruxelles : De Boeck supérieur.

Medjad, N., Gil, P. & Lacroix, P. (2017). Neurolearning, les neurosciences au service de la formation. Paris : Eyrolles